Surréaliste, fantastique, dingue... Les limites sont franchies, dépassées, explosées ! Le nouveau cruiser Triumph, c'est un pas de monstre dans un monde de rebelles. Honda avait soufflé tout le monde en casant des moteurs énormes dans ces dernières machines : 1 800 cc twin dans la VTX et 1 800 cc 6 cylindres dans la Goldwing. Triumph balaie d'une pichenette ces valeurs références. Le nouveau 3 cylindres anglais cube presque 2 300 cc. Les chiffres annoncés laissent pantois : 142 ch et 20,3 mkg. A l'accélération, la Rocket III pulvérise tout ce qui roule, le pilote se chargeant d'encaisser 1,2 G. Le couple est disponible très tôt : 90% dès 1 800 trs et la valeur max est atteinte 700 trs plus loin. Pour transmettre cette furie, un pneu de malabar de 240 mm. Le moteur, qui loge des pistons du même diamètre que la Dodge Viper, est tout simplement le plus gros moulin moto jamais construit. Triumph ne s'est pas limité à ça ; le design du cruiser est sublime. La moto ne ressemble à aucune autre et le regard double optique y ajoute la patte Triumph inspiré de la Speed Triple. Le coté gauche est impressionnant et fait superbement ressortir la furie dont est capable le bestiau. Le flanc droit parait plus massif, presque d'une fadeur de moteur auto. Fraîchement arrivée sur les customs-dragsters, la fourche est inversée et emprisonne le système de freinage de la 955 Daytona ainsi qu'un maousse pneu de 150 mm. Idéal pour frimer à tous les cafés (racer ?), la Rocket III vous permettra également de ridiculiser les Hayabusa et ZX-12R aussi bien au feu rouge que sur les terrasses des bistrots pendant longtemps ! Car non seulement le moteur est annoncé étonnamment sobre (en fait, seulement au calme - énervé, il boit copieusement), mais le réservoir accueille 25 L, de quoi s'offrir des heures et des heures d'adrénaline.
Premier uppercut. Le pilote non averti devrait se méfier avant de monter sur ce baril de poudre. Si la main droite vous démange, attendez-vous à 2 sanctions au choix : soit vous vous cramponnez comme un forcené, soit vous faites le drapeau sur la moto. En accélération pure, la Rocket III ridiculise toute la production actuelle. Croyez-en ses 2"8 pour atteindre les 100 km/h. Un record que bien peu d'engins peuvent afficher sur leur carte de visite. La gueule en impose, les performances explosent. Voici le custom le plus dingue de la planète.
Quelle oeuvre que ce 3 cylindres conçu par Triumph. Un monument qui suscite l'admiration, force le respect, promet l'exceptionnel... A l'intérieur, l'équipage mobile vit l'enfer. Les énormes gamelles envoient le couple colossal à un robuste vilebrequin de 17 kg. Les pauvres pignons de boite vont devoir digérer la fureur du moulin avant d'infliger la leçon au malheureux pneu arrière.
Avant de déchainer les enfers, il va falloir mettre le monstre en équilibre. Et c'est là que l'appréhension se transforme en sourire. La machine se relève pratiquement d'un doigt, sans difficulté. Étonnant pour un engin qui atteint le tiers d'une tonne. Typiquement dans l'esprit cruiser américain, la position de conduite nous amène à attraper un guidon large comme la route ; pour les pieds, même combat : bien en avant pour conserver de la garde au sol. La douceur des commandes tranchent avec certains désagréments, comme la forme du sélecteur ou la grosseur des poignées Bon, on se cale sur la confortable selle. On écarte les jambes... et on réveille la bête.
Shocking ! Quel calme. De la part de cette énorme mécanique, on s'attendait à un barouf remuant les tripes. Et non, la sonorité est plutôt réservé, trop poli même pour ce type d'engin. Il faudra songer à installer des échappements plus libérés (euh, la maréchaussée va peut être râler, non ?!?). Et dans ce cas, le 3 pattes devient hargneux dans ses vocalises. Sans compter que ça lui rajoute de la pêche à bas-régimes.
D'ailleurs, la magie commence ici. Stabilisé sur le ralenti à 500 tr/mn, le propulseur fait preuve d'une souplesse magistrale. On peut se balader sur le dernier rapport sans mouvement d'humeur déplacé. La boite n'est pas très rapide mais d'une grande précision. Glissant sur l'asphalte avec douceur, on conduit avec allégresse, bénéficiant une partie-cycle surprenante d'équilibre. Un engin démesuré mais étonnamment maniable. On en profite pour mesurer le potentiel du bouilleur qui s'agite sous nos fesses. Jusqu'au 2ème chiffre du compte-tours, le muscle est déjà très costaud. entre 2 et 3 000 trs, le couple est pratiquement à son apogée, la puissance consolide ses positions et s'apprete à donner le coup de grâce. L'aiguille passe le 3, c'est trop tard, on vous avait prévenu, la force ultime vient d'arriver
"Bordel, un 747 vient de me percuter par derrière...!" Non, non, c'est le 2ème effet kiss-cool. La poussée du 2,3 L est plus qu'impressionnnante. Les watts déboulent sans vous ménager jusqu'à 7 000 trs. De la dynamite agrémenté de nitroglycériméthanol. Bon, c'est clair : c'est un engin de fou.
Et ne croyez pas que la machine ne sert qu'à pulvériser les GSX-R et autres fusées Ariane entre 2 feux rouges. Le châssis est remarquable et permet de placer facilement la Rocket. Très stable en courbe, on ne s'inquiète de sa conduite que lorsque les cale-pieds commencent à frotter. Et encore... Aucun danger. Et quel plaisir que d'emmener cette moto dotée d'un superbe équilibre, qui n'est pas sans rappeler une certaine Honda F6C. La fourche effectue un travail convenable et ses étriers de frein sont suffisamment puissants pour calmer ce taureau... tant qu'on le mène comme un cruiser. Ce ne sera pas suffisant pour exploiter tout le potentiel du monstre. Comme toujours chez Triumph, on s'abstiendra de commentaires sur le frein arrière. Quant au confort, il se dégrade rapidement sur terrain douteux. La suspension arrière réagit sèchement, au grand désespoir de vos vertèbres. Sans compter sur les fantastiques reprises de ce power-cruiser qui vous arrachent littéralement les bras.
Les virolos approchent ; la Rocket ne se dégonfle pas. Agile et précise, elle suit parfaitement le rythme, et l'on à vient à le hausser sérieusement. Prudence, car la moto à tendance à élargir la trajectoire et tortiller son derrière. Vous n'aviez pas eu assez d'adrénaline... en voila un peu plus.
Extravagante, sensationnelle, jouissive, la Rocket III est une réussite incontestée. Hinckley a réussi son coup, en proposant une machine permettant de se délecter du mode cruising et de tenir la dragée haute à bon nombre de sportives sur un départ canon. On prend autant de bonheur à l'un comme à l'autre jeu. Destinée avant tout à l'amérique, l'anglaise s'embourgeoise déjà d'un catalogue d'options et accessoires très fourni. Le pilote sera aux anges, le passager moins. L'essentiel est là : un engin fils de la démesure, engendrant autant de plaisir que de fougue enivrante.